Les services sont à la mode et sont souvent associés avec la nouvelle économie celle de l'informatique des réseaux et des télécomunications. Pour autant cette logique de services correspont-elle vraiment à l'intérêt de la France et de l'Europe ?
Dans cette logique l'on donne un produit (téléphone portable, logiciel libre) pour réussir à vendre des services associés au produit. Ceux qui sont les mieux placés pour vendre ces services sont bien sur ceux qui ont créé les produits. Voici un extrait d'une interview (1998) de Larry Wall le créateur du langage Perl (il travail pour l'éditeur de livre américain O'Reilly) :
Q: What are the chances that the popular freeware consortium of let's say Perl and Apache and Linux have against say Microsoft Suite of IIS with VB script and NT with its powerful marketing budget. Maybe this is another way of asking, "Where's the marketing budget for freeware?"
A: Well, two years ago the answer would have been basically "Nowhere." Two years ago Tim O'Reilly came to me and said, "You know, I believe in freeware. Half of the titles we publish are about freeware, we make a lot of money on freeware. We'd make more money on freeware if freeware did better. Therefore we're going to try and help freeware do better." So he came to me and said, "Do you want to work for us?" I was at loose ends at the time, so I said, "Yeah, let's look for those intermediate models where it's not on the one hand crass commercialism and not on the other hand religious freewareism."
L'importance que les Etat-Unis donnent aux services est normal, c'est leur intérêt. En effet ils contrôlent pratiquement 100% de l'industrie informatique et des réseaux. Ils conçoivent des produits et le plus souvent les fabriquent (ou les développent pour les logiciels). Leur but est alors de les vendre.
Mais il ne vont pas essayer de nous faire acheter directement ces produits mais des services qui utilisent ces produits. Par exemple Intel n'essaye pas de faire acheter des microprocesseurs à ces clients mais de la connections à l'Internet. Ici, France Telecom utilise la même méthode pour vendre de la bande passante. Cette société vend de la bande passante mais le client achète du temps de connections à l'Internet.
Le problème pour ces entreprises est en fait de trouver le bon service qui va assurer le décollage du produit. Et ce n'est pas toujours facile. Au début des années 90 avec les mêmes objectifs, ces même sociétés, Intel et France Telecom, ont essayé des faire acheter à leur clients, direct ou indirect, de la visioconférence. service qui utilise aussi des microprocesseurs et une infrastructure réseaux.
Leurs tentatives d'évangélisation, pour reprendre la vocabulaire américain, n'ont pas été très concluantes : livres, articles dans la presse, "prise de conscience de l'importance de ces outils", création d'un phénomène de mode, être innovant... , tout a été essayé sans succès. Innovant a bien sur été l'argument phare : faire croire que pour être innovant l'on se doit d'utiliser la visioconference. Qu'il est facile, en effet, d'être innovant avec les innovations des autres (et souvent avec l'argent du contribuable) ... Depuis la visioconférence a perdu de son intérêt : l'Internet est là pour relancer la consommation de Pentium ou de liaison Numeris.
Le service est donc un argument commercial, un argument de vente pour ceux qui contrôle la "nouvelle industrie". Le problème pour l'Europe c'est que cette "nouvelle industrie" est localisée au Etat-Unis. Acheter du service en France c'est avant tous permettre aux entreprises américaines de vendre leurs produits, matériel comme logiciel. Rare sont les entreprises qui comme France Telecom peuvent bénéficier de cette logique. Car en général ce sont Cisco, Intel, Microsoft, Netscape, RedHat, Sun pour ne citer que les plus connus, qui sont les grands bénéficiaires.
Il est d'ailleurs remarquable de voir à quelle points les géants, mondialement connus, ont tous des logiques de produits : que ce soit routeur, processeurs, logiciels ou stations de travail... De l'autre coté de la barrière une entreprise sur le déclin comme IBM en est réduits à faire du services. L'époque des IBM 3090, l'époque du matériel IBM, l'époque de la gloire semble très lointaine. A quand Microsoft société de service ?
Une autre raison, qui une suite logique de la précédente, pour laquelle les Etat-Unis valorise la logique de services est de détourner les pays clients d'une logique de produits et ainsi les maintenir dans un état de dépendance. Les USA ne nous disent pas : "n'entrez pas en concurrence avec nous pour les produits" mais ils nous disent "l'important c'est les services, les produits c'est dépassé". Autrement dit : "ne pensez même à entrer en concurrence avec nous, faite du service et achetez nos produits". Et ca marche...
Un aspect visible de cette volonté est la politique de rachat des géants de l'informatique américaine. Par exemple la société allemande Star Division qui développait la seul suite bureautique européenne (StarOffice) a été rachetée par SUN en 1999. Les sociétés qui, comme Chorus System a pu s'en apercevoir, sortent de la logique de services pour entrer dans une logique de produits ont toute les chances de se faire racheter et de profiter du soleil de Californie. Bien sur il faut reconnaître que créer des sociétés très pointues dans ce désert industriel informatique que constitue la France revient à mettre la charrue avant les boeufs. Mais, malheurement, faire du service dans ce même désert ne va pas créer une industrie de base.
Cette division entre logique de produits et logique de services n'est pas spécifique à l'informatique : elle existe aussi dans l'industrie automobile : la France a une logique de produits le Portugal, par exemple, une logique de service. Imaginons une France sans industrie automobile. L'équivalent est en train de se produire pour la nouvelle industrie. Avoir une logique de service signifie être dans une logique de pays défavorisé que ce soit économiquement ou technologiquement.
Certes, les services, en dehors de l'intérêt du services en lui même, créent des emplois mais d'une manière marginale face à une logique de produits et créent une situation de dépendance. D'ailleurs positionner les services en temps que source d'emplois est aussi une manière de favoriser leur développement et donc de favoriser la vente des produits conçus et/ou fabriqués par ceux qui contrôle la nouvelle industrie c'est-à-dire les Etat-Unis.
Dans cette optique "d'innovation" et de service il faut s'inquiéter du développement de la téléphonie sur IP car elle nécessite aussi du matériel : des routeurs conçus uniquement au Etat-Unis principalement par Cisco entreprise crée en 1986. Si la téléphonie sur IP est bien une solution d'avenir elle rendra obsolète les technologies classiques, celle que la France domine. Il faut alors de demander quelle sera la place du secteur français des télécommunications dans la nouvelle industrie.